Bruxelles va donner à son passé colonial une place claire dans la ville et aspire à être une source d'inspiration à l'international.
Pascal Smet, Secrétaire d'État bruxellois à l'Urbanisme et au Patrimoine, a présenté aujourd'hui au Parlement bruxellois son plan d'action concret pour la décolonisation de l'espace public. Ce plan d'action a été approuvé par le gouvernement bruxellois la semaine dernière.
Le passé colonial belge et bruxellois est aujourd'hui visible de plusieurs manières dans le paysage urbain bruxellois, pensez aux statues ou aux noms de rues, mais aussi aux sites et aux bâtiments. De nombreuses villes, dont Bruxelles, n'ont actuellement pas de position univoque pour donner une place à ces symboles.
Sous l'impulsion du Secrétaire d'Etat bruxellois à l'Urbanisme et au Patrimoine, Pascal Smet, un groupe de travail a été mis en place fin 2020, dont la mission était d'entamer la réflexion nécessaire sur les symboles dans l'espace public liés à la colonisation et à la période coloniale.
Ce groupe de travail de 20 membres était composé de personnes issues de la vie associative et du monde universitaire, complétées par des représentant.e.s des administrations bruxelloises travaillant sur l'espace public. Après de nombreux échanges fructueux, le groupe de travail a formulé ses recommandations l'année dernière. Ces recommandations ont servi de base à l'élaboration d'un plan d'action concret composé de 14 actions concrètes pour décoloniser l'espace public bruxellois. Ces actions ont été approuvées par le gouvernement bruxellois la semaine dernière et ont été présentées au Parlement bruxellois aujourd'hui.
Ce plan d'action « Vers la décolonisation de l’espace public en Région de Bruxelles-Capitale » contient 14 actions concrètes qui sont en cours de lancement. Le plan est la première grande étape concrète de la décolonisation de l'espace public, une condition nécessaire à la décolonisation de la société, qui requiert un processus social, politique et culturel continu. L'objectif est de développer une Région de Bruxelles-Capitale inclusive, où chaque Bruxellois.e se sent reconnu.e et valorisé.e.
Bruxelles joue un rôle de pionnier en matière de décolonisation et Pascal Smet souhaite en faire un exemple pour de nombreuses autres villes en Belgique et à l'étranger.
Le plan d'action est complémentaire au Plan d'action régional contre le racisme, une initiative de la Secrétaire d'État bruxelloise Nawal Ben Hamou.
Le plan d’action
Action 1 : Création d'un comité d'accompagnement
Une comité sera mis sur pied pour le suivi du plan d’action « Vers la décolonisation de l’espace public en Région de Bruxelles-Capitale ». Ce comité se composera des pouvoirs publics et décideurs politiques concernés, de représent.es de la société civile et d’expert.es universitaires. Il sera piloté par le coordinateur ou la coordinatrice décolonisation. Le comité sera garant de la qualité de la mise en œuvre du présent plan d’action.
Action 2 : Désigner un.e coordinateur.trice décolonisation
Un.e coordinateur.trice décolonisation est désigné.e pour une période de deux ans. Le/la coordinateur.trice décolonisation aura pour mission de suivre la mise en œuvre qualitative du plan d'action et de veiller à ce que toutes les actions soient implémentées dans les délais impartis, en concertation avec les différentes parties concernées. Le/la coordinateur.trice décolonisation sera recruté au sein de l'asbl Patrimoine et Culture, par le biais d'une subvention à approuver par arrêté gouvernemental.
Action 3 : Compléter les inventaires du patrimoine mobilier, immobilier et naturel en lien avec la colonisation
L’objectif de cette action est de compléter progressivement les inventaires en ligne du patrimoine mobilier, immobilier et naturel. Mais aussi d’identifier les objets, sites, routes ou arrêts relevant du patrimoine colonial par le biais d’un « étiquetage » spécifique permettant de mieux les repérer.
Action 4 : Introduire une méthodologie sur les demandes de permis d’urbanisme concernant les statues et les traces de décolonisation
Une méthodologie sera développée pour l’analyse des demandes de permis concernant les traces de la colonisation (bâtiments, espaces publics, parcs classés et non classés) pour permettre la hiérarchisation des interventions possibles des traces contestées de la colonisation, sur la base de la méthodologie proposées par le GT (contextualisation, déplacement, destruction, détournement...).
Action 5 : Réaliser une étude de faisabilité sur le développement d'un centre d'interprétation de la décolonisation
Urban fera réaliser une étude pour identifier et évaluer la faisabilité du développement d'un centre d'interprétation de la décolonisation à Bruxelles et pour étudier la programmation possible.
L'étude sera entamée et coordonnée par Urban, en concertation avec le groupe de travail décolonisation de l'espace public et les représentant.e.s des Secrétaires d'État au Patrimoine et à l’Égalité des Chances.
Action 6 : Soutenir financièrement les organisations qui travaillent sur l'éducation à la mémoire et la sensibilisation à notre passé colonial.
L'objectif est d'encourager des associations à intégrer dans leurs activités l'éducation à la mémoire et la sensibilisation à notre passé colonial. Trois actions sont prévues dans ce cadre :
- Un appel à projets conjoint entre urban.brussels et equal.brussels sera prévu en 2025, sur les questions plus générales de représentation, de valorisation ou de stigmatisation de groupes de population dans l'espace public bruxellois.
- Le plan d'action décolonisation sera ajouté aux 6 plans mentionnés dans les appels à projets d'equal.brussels, comme source d'information pour les candidats afin d'encourager les projets complétant ou renforçant les actions de ces plans.
- Un.e représentant.e d'urban.brussels participera aux sessions d'information sur les appels à projets d'equal.brussels, afin d'attirer l'attention sur la nécessité d’agir au niveau de la problématique des représentations de l'espace public, en abordant différentes thématiques.
Outre la collaboration envisagée avec equal.brussels, le thème de la décolonisation sera explicitement inclus dans les appels à projets de Brussels International.
Action 7 : Étudier la faisabilité de la création d’un mémorial pour les victimes du colonialisme
Dans le cadre de l'étude de faisabilité sur la création d'un centre d'interprétation et de documentation de notre passé colonial, la possibilité d'ériger un monument commémorant les victimes de la colonisation belge du Congo, du Rwanda et du Burundi sera également examinée.
Action 8 : Étudier la faisabilité de la création d’un dépôt pour les statues glorifiant la colonisation
Dans le cadre de l'étude de faisabilité sur la création d'un centre d'interprétation et de documentation de notre passé colonial, une analyse sera réalisée sur les facteurs critiques de succès pour la création d’un dépôt central pour la Région, où l’on pourrait regrouper des statues coloniales et d’autres monuments commémoratifs coloniaux (même de grande taille) retirés de l’espace public, cela en serait une des destinations possibles (certaines statues pouvant par exemple être transférées dans un musée). Un tel lieu ne serait pas une simple infrastructure logistique, mais un lieu public et symbolique, et l’un des repères marquant la transformation décoloniale du paysage monumental de la ville.
Action 9 : Poursuivre la réflexion sur une ou plusieurs journée(s) officielle(s) annuelle(s) de commémoration de notre passé colonial
En complément au journées de commémoration prévues dans la Plan d’action contre le Racisme du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, il est proposé de poursuivre la réflexion sur une journée officielle annuelle de commémoration au sein du comité d'accompagnement et en étroite collaboration avec le Conseil bruxellois de lutte contre le racisme. Il est proposé d'analyser, en concertation avec les représentant.e.s des communautés concernées, le niveau fédéral et les autres entités fédérées, si le 30 juin, anniversaire de l'indépendance du Congo et de la commémoration du discours de Patrice Lumumba, et le 1er juillet, anniversaire de l'indépendance du Burundi et du Rwanda, sont des dates adéquates.
Action 10 : Formation et sensibilisation des fonctionnaires régionaux des services d’urbanisme
Les fonctionnaires de urban.brussels, de l’équipe du Maître architecte et de Bruxelles Pouvoirs Locaux suivront des formations et seront sensibilisés aux questions de décolonisation et aux défis qui en découlent afin de veiller à la décolonisation de l’espace public. Les fonctionnaires de Bruxelles Mobilité et de Bruxelles Environnement impliqués dans l'organisation de l'espace public pourront également bénéficier de cette formation.
Action 11 : organiser diverses actions de sensibilisation sur notre passé colonial et post-colonial, notamment dans le cadre des Journées du patrimoine
Le thème des Journées du patrimoine 2022 portait spécifiquement sur les traces de la colonisation à Bruxelles et le thème 2023 a trait à l’Art Nouveau : l’art pour tout ?
- Dans l’édition 2023 consacrée à la thématique de l’Art Nouveau, les nombreux liens avec la colonisation seront mis en évidence. L’Art Nouveau est devenu populaire en 1897 dans le sillage de l’Exposition universelle de Bruxelles. Plusieurs architectes d’Art Nouveau ont été chargé de mettre en valeur les richesses du Congo dans un contexte très particulier de propagande coloniale. La partie coloniale est conçue avec une grande uniformité de style, combinant matériaux africain et langage décoratif de type Art Nouveau.
- Le 15 mai 2023, l'Hôtel van Eetvelde est ouvert au grand public dans le cadre de l'Année de l'Art Nouveau. Conçu par Victor Horta pour l’administrateur général de l'État indépendant du Congo, l'Hôtel van Eetvelde est un chef-d'œuvre de l'Art nouveau et est intégré dans la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. Dans le cadre de la médiation et du centre d'interprétation en cours de construction, les liens avec la colonisation seront établis.
- Parallèlement, diverses interventions artistiques seront développées. Par exemple, le comité de l'Année de l'Art Nouveau au sein d'Urban étudie la possibilité de concevoir un forum de discussion dans le parc du Cinquantenaire, plus précisément en face du « Monument aux pionniers belges au Congo ».
Action 12 : Développer un processus participatif avec les communes portant sur le traitement des différentes traces de notre histoire coloniale, telles que l'adaptation et/ou la contextualisation des toponymes et des monuments contestés, entre autres, et le développement d'une signalétique claire et cohérente du patrimoine colonial et post-colonial.
La Région et les 19 communes lanceront un processus en étroite concertation pour définir une méthodologie et des lignes directrices pour la diffusion et le traitement des traces coloniales au sein de la RBC. Ce processus impliquera les autorités locales et les organisations bruxelloises directement impliquées dans la décolonisation des espaces publics. Dans ce cadre, il sera important d'assurer un bon équilibre entre la coordination au sein de la Région bruxelloise et les politiques locales. De cette manière, l'apport et l'implication des communes sont garanties et les actions locales peuvent contribuer à élaborer une vision commune. Les bonnes pratiques et les expériences des communes qui ont déjà mis en place des processus à cet égard apporteront une contribution utile.
Les aspects suivants seront abordés :
- Développement d'une méthodologie permettant aux communes d'adapter et/ou de contextualiser les toponymes coloniaux ;
- Déplacement, adaptation ou contextualisation des statues et/ou monuments contestés ;
- Développer une signalétique claire et cohérente pour le patrimoine colonial et post-colonial sous toutes ses formes.
Action 13 : Soutenir la Régie des Bâtiments dans son processus de décolonisation de l’espace public et contextualisation des monuments dont elle est responsable.
Des contacts seront pris avec la Régie des Bâtiments dans le but d'analyser comment on peut coopérer avec le niveau fédéral sur les questions de décolonisation de l’espace public, des monuments et des sites. Un première étape consisterait par exemple à dresser l’inventaire des tous les monuments et toutes les statues à caractère colonial afin de définir ensuite des stratégies adaptées pour les adapter ou les contextualiser. La Régie des Bâtiments sera également invitée à prendre part aux réunions du comité d’accompagnement du plan d’action.
Action 14 : renforcer la coopération entre la Région et les institutions scientifiques dépendant de BELSPO
Des contacts seront pris avec BELSPO, dans le but de renforcer la collaboration, notamment dans le cadre de la création d’un centre d’interprétation et de documentation.
La Région s'inscrira également dans la dynamique fédérale sur les restitutions, plus particulièrement en ce qui concerne les collections communales.
Vers la decolonisation de l espace public en region de bruxelles capitale
PDF - 242 Kb